« Hommage de plasticiens au travail ouvrier » (Le Temps)

Laurence Chauvy, Journal Le Temps, publié le 16 mai 2006
www.letemps.ch/culture/hommage-plasticiens-travail-ouvrier

Des halles industrielles que signale, d’abord, leur gigantisme et qui semblent disproportionnées pour une exposition accueillant un peu moins de 50 plasticiens. Un contexte chargé, suite à la faillite de l’entreprise de métallurgie Giovanola, qui a occupé ces lieux pendant un siècle. Les artistes invités par Visarte Valais ont déblayé la halle mise à leur disposition pour quelques semaines, la plupart s’inspirent de son architecture et de sa vocation industrielles, et rendent hommage aux ouvriers.

La visite est ponctuée de coups de marteaux qui résonnent et qui obsèdent, tandis que, plus discrète et plus subtile, se fait entendre la «rumeur» créée par Pierre et Elsa Mariétan. Les œuvres elles-mêmes sont forcément inégales, et parfois moyennement mises en valeur: les peintures, par exemple, ne s’en sortent pas très bien, devant les parois imprégnées de poussière métallique et dans la lumière qui tombe en diagonale des hautes verrières.

Certaines installations, en revanche, possèdent un indéniable pouvoir d’émotion, lié, oui, au souvenir de tout ce dur labeur dont témoignent la halle et les outils et machines qui y restent, en arrière-garde. Ainsi, Nathalie Delhaye a créé un lourd chemin de pierres, où apparaît, presque en ovni tombé du ciel, une magnifique sculpture en marbre de Carrare: le temps d’un clignement, tout est transfiguré.

Ou encore, c’est le jeu d’échecs proposé par Floriane Tissières, avec pour pions des pièces métalliques. Ou la mise en scène éphémère de Zabu Wahlen: C’est grand mais ça va disparaître. Le ton est à la nostalgie, au regret. La visite, en effet, est un peu triste. Elle trouve un point d’orgue, c’est le cas de le dire, dans la Chapelle aménagée par Laurent Possa dans l’ancien four, lui aussi surdimensionné par rapport à ce que l’on connaît comme four. L’hommage rendu ici l’est à la fois aux ouvriers, via leur patron qui est saint Joseph, et à une figure majeure de l’art contemporain, Joseph Beuys; celui-ci apparaît sur un collage, dans le rôle de Joseph le charpentier. L’émotion, ici, est plus tenace encore, d’autant que des lumignons sont allumés et que l’on marche sur des fleurs séchées, mortes, prêtes à offrir leur semence.

Halle Giovanola, Monthey. Rens. Visarte Valais, Monthey. Je-di 15-19h. Jusqu’au 28 mai.