« A l’espace Arlaud, art et ethnologie jouent à cache-cache » (Le Temps)

Elisabeth Chardon, Journal Le Temps, publié le 22 décembre 2003

Une jeune ethnologue a réuni des regards sur «la culture hygiénique» de notre époque

L’exposition Cacher-Montrer, sous-titrée «la culture hygiénique: métaphores et allégories», est une rencontre entre la jeune ethnologue Pierrine Jan et Visarte Vaud, association des artistes visuels. Elle souligne à quel point notre société cache ou neutralise tout ce qui pourrait déranger. Hélas, la manifestation s’engouffre dans les pièges du thématique.

«L’art n’a d’autre objet que d’écarter […] tout ce qui nous masque la réalité, pour nous mettre face à face avec la réalité même.» Selon Bergson, cité en exergue, toute œuvre d’art pourrait ainsi être lue comme une critique de l’esprit édulcorant de l’époque. Et c’est bien à une lecture forcée que le visiteur est ainsi conduit. Certains travaux réussissent malgré tout à croiser appartenance au thème, force d’expression et bienfacture. C’est le cas de Tabou, de Zabu Wahlen, qui affronte très clairement la façon dont sont traités aujourd’hui les restes: trois poubelles à pédale contenant du sang de bœuf, des ossements de porcs calcinés et des billets de banque usagés sont posées sur un tapis fait de cheveux grisonnants. Les photographies de Dorothée Thébert, où s’opposent la vision d’un corps virginal et celle d’animaux rejetés comme nuisibles et sales, frappent aussi l’esprit. «Il me plaît de voir le corps comme un champ de bataille à l’intérieur duquel s’affrontent des tensions opposées», explique la photographe.

Une première salve a été montrée cet automne sous le titre inversé de Montrer-Cacher. Un ouvrage vient fertiliser cette double exposition. On y retrouve des traces des œuvres exposées et des textes qui vont du témoignage à l’analyse en passant par le pamphlet.

Cacher-Montrer à l’Espace Arlaud, pl. de la Riponne à Lausanne, jusqu’au 11 janvier. Rens. au 021/692 48 02